Préjudices résultant pour le patient d’un défaut d’information du médecin
Publié le 30 janvier 2017 par Jean-Baptiste Schroeder
Observations sous Civ. 1ère, 25 janvier 2017, n°15-27.898
Faits
A la suite du diagnostic d’une sténose carotidienne droite, une patiente avait consulté un chirurgien vasculaire avant d’être admise dans une clinique en vue d’un bilan vasculaire complémentaire.
Après la réalisation, le lendemain, d’une artériographie, la patiente avait présenté une hémiplégie des membres inférieur et supérieur gauches.
Saisis par la patient, les juges du fond (et en dernier la Cour d’appel de Rennes) condamnent les praticiens, pour défaut d’information, à payer certaines indemnités à la victime et à la caisse de sécurité sociale, en réparation, en premier lieu, de la perte de chance d’éviter le dommage, en second lieu, d’un préjudice moral d’impréparation., la part du dommage corporel non réparée par les praticiens étant mise à la charge de l’ONIAM.
Observations
Conformément aux dispositions figurant à l’article L. 1111-2 du code de la santé publique, les professionnels de santé sont tenus de délivrer une information quant à l’état du patient et aux soins envisagés sur sa personne.
Cette information est la condition du consentement éclairé.
Il reste que l’article L. 1111-2 ne constitue pas par lui-même un régime de responsabilité mais consacre seulement un droit subjectif. C’est pourquoi il est appliqué, en droit privé, en liaison avec l’article 1240 du code civil.
A cet égard, la Cour de cassation décide que le patient victime d’un défaut d’information peut invoquer, selon les cas (i) un préjudice consistant en une perte de chance, cette perte constituant un préjudice distinct des atteintes corporelles constatées, et/ou (ii) un préjudice dit d’impréparation.
L’appréciation d’une perte de chance impose au juge de rechercher, en prenant en considération l’état de santé du patient ainsi que son évolution prévisible, sa personnalité, les raisons pour lesquelles des investigations ou des soins à risques lui sont proposés, ainsi que les caractéristiques de ces investigations, de ces soins et de ces risques, les effets qu’aurait pu avoir une information exhaustive quant à son consentement ou à son refus.
Dans certaines circonstances, les tribunaux seront conduits à rejeter toute perte de chance.
La Cour de cassation a ainsi approuvé les juges du fond d’avoir jugé, à propos d’un patient qui souhaitait se débarrasser de troubles pénibles et de craintes pour l’avenir (notamment de dégénérescence d’un polype en cancer); qu’il n’avait subi aucun préjudice indemnisable (Civ. 1ère, 20 juin 2000 : Bull. civ. I, no 193).
La jurisprudence décide également qu’aucune indemnisation n’est due au titre du manquement à l’obligation d’information quand il n’a entraîné aucune perte de chance de se soustraire au dommage : le Conseil d’Etat a jugé que dès lors qu’il n’existait aucune alternative thérapeutique moins risquée à une intervention nécessaire pour prévenir une évolution dont l’issue certaine était la cécité à brève échéance; le juge a pu en déduire, alors même que le risque auquel exposait l’absence de traitement n’était pas vital, que le défaut d’information n’avait pas privé l’intéressé d’une chance de se soustraire au dommage. (CE 24 juill. 2009, Pascal A. c/ CHU Nantes: req. no 305372).
S’agissant du préjudice d’impréparation, la Cour de cassation admet que le non-respect, par un professionnel de santé, de son devoir d’information est susceptible de causer à celui auquel l’information était due, lorsque ce risque se réalise, un préjudice résultant d’un défaut de préparation résultant du choc subi lors de l’annonce du risque réalisé. (Civ. 1ère, 23 janv. 2014, n° 12-22.123).
La décision rendue le 25 janvier 2016 par la Cour de cassation confirme donc une jurisprudence désormais bien établie.